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Back Queen, le Backstage – l’interview

 

Après vous avoir montré l’ambiance festive et burlesque de la pièce de théâtre Back Queen, nous avons trouvé bon de vous présenter la joyeuse troupe, sous des airs plus sérieux, pour une interview exclusive. Les actrices Julie, Ophélia et Manon, la metteure-en-scène Mathilde et le dramaturge Camille, ont répondu aux questions de CCC Média et nous avons hâte de vous les présenter et surtout de vous en apprendre plus sur les rouages de cette pièce haute en couleurs.

 

Les fondements du projet

Revenons aux prémices de cette belle histoire. Le texte a été écrit par Camille Charrière, jeune comédien, chanteur et auteur, pour ce que l’on connaît. Il a été formé dans deux écoles d’acting à Lyon et a ensuite continué sa carrière en tournant dans différents films, des courts métrages, des pièces de théâtre et une comédie musicale. Il a pu écrire et réaliser quelques créations dont la fameuse Back Queen, écrite en très peu de temps qui se révèle être une « fulgurance ». Puis, à l’ automne 2019, la version définitive apparaît, avec quelques ajustements spécifiques pour chaque actrice, en « personnalisant » davantage les personnages. Au départ, «  la pièce a été écrite pour une comédienne et deux comédiens (dont moi). Au fur et à mesure que nous montions la pièce avec Julie Machu, alias Vava Lium, j’ai pris, à un moment donné, la décision de me retirer et de n’en être plus que l’auteur. C’est à ce moment que je l’ai réécrite pour 3 comédiennes. Cela a amené une toute autre vision. »

Back Queen rentre dans le style du Cabaret Théâtre, entre comédie musicale et cabaret, un genre tout à fait singulier. Camille se souvient d’avoir vu “12 travelos d’Hercule” (qu’il recommande, par ailleurs) et c’est ce qui l’a poussé à écrire une pièce sur le domaine de la drag. Petit à petit, il a continué d’ouvrir la porte de ce monde fabuleux et magique en allant s’imprégner de cet univers sur le terrain, pour comprendre ce dont il parlait lui-même dans son texte.

Crédit photo : Eva Duc pour CCC Média

Camille fait le lien entre les coulisses des pièces ou des films et la communauté LGBTQ+. Pour lui, les gens ne voient qu’une façade de ces milieux, qui sont beaucoup plus complexes que ce que l’on imagine quand on n’en fait pas partie. « Une majorité des gens ne voient pas ce que c’est d’être dans cette minorité, ils voient une façade et rien de plus. Ils pensent que cette façade c’est la réalité. » C’est dans cette volonté de donner la possibilité aux personnes de s’intéresser plus en profondeur à des sujets trop peu connus que Camille a voulu réaliser cette pièce. « Et encore ! Ce dont je parle dans Back Queen n’est encore qu’une façade de la façade, il faut encore creuser et le vivre, mais ça c’est encore autre chose. »

Et on y vient à ce scénario ! Le voici décrit par les mots de son créateur :

« Back Queen, c’est l’histoire d’une Bio-Drag-Queen, un Drag-King et une artiste en recherche de sa personnalité. Durant la pièce, on partage le quotidien de ses trois créatures. Elles sont en quelque sorte la vitrine de la communauté LGBT+, on ne connait en général que la partie « Show », l’extérieur, mais pas la partie personnelle et humaine. Back Queen montre une fraction de ce que c’est de faire partie de cette minorité, les bons côtés et les moins agréables. »

On fait connaissance…

Rapide tour d’horizon des personnages que vous pouvez rencontrer dans la vidéo accompagnant cet article. Nous avons Vava Lium, incarnée par Julie, patronne du bar, boui-boui, cabaret, enfin, tout ce que vous souhaitez imaginer…

Julie nous introduit son personnage :

« Vava c’est quelqu’un qui en a bavé dans sa vie, elle a le cœur sur la main, et dans l’autre elle tient un verre de pinard. Elle fait du drag depuis des années, et aide les jeunes dans leurs débuts. »

Au tour d’Immaculée Sensation, interprétée par Ophélia. Il s’agit de l’artiste en recherche de sa personnalité, que nous a présenté Camille auparavant.

« Une nonne plutôt naïve et têtue fraîchement débarquée au cabaret, on pourrait dire que c’est la stagiaire du boui-boui ! », nous explique Ophélia.

Enfin, Manon est Lord Sultano, membre du trio de la pièce, drag king très énergique et autoritaire sur les bords. 

“Le véritable nom du personnage est Inès de la Costa Cruz, une jeune fille venant d’une famille très riche […]. Elle est plus à l’aise dans son personnage, qui lui permet d’être elle-même au final. Je crois aussi que son rapport avec le succès et la réussite vient de son milieu, où l’échec, le manque de moyens et « l’à peu près » sont très mal vu.”

Les rencontres 

Cette troupe s’est formée au gré des rencontres. Mathilde, la metteure-en-scène, connaît Ophélia et Manon depuis leurs études en école de théâtre. Ces dernières lui ont présenté Camille et Julie, et leur projet si innovant. Une belle entente s’est créée entre tous et une curiosité accrue pour la scène du cabaret drag. Chacun y trouve son compte, comme Mathilde, toujours à la recherche de nouvelles idées pour alimenter le spectacle au niveau des costumes ou en se passionnant davantage pour le milieu du drag. Ce qui a attiré Julie, ce sont les personnalités des protagonistes singuliers et touchants par leurs faiblesses, par la vie et de ses excès dont il est question dans la pièce. Pour Ophélia, c’est plus l’aspect technique et challengeant des shows qui l’ont captivée « ça fait appel aux plus gros kiffes de notre enfance : répéter seule dans sa chambre un morceau de son idole jusqu’à le maîtriser mieux qu’elle ». Enfin, Manon s’y est plutôt retrouvée dans le jeu de scène, bien qu’un peu sceptique les premiers temps sur les questions de « légitimité » en tant qu’actrice et non pas professionnelle du milieu drag. Mais les shows, le « lyp-sync », la joie et l’ambiance amicale ont pris le dessus et elle s’est lancée avec plaisir dans ce projet.

Comment parler du drag quand on ne fait pas partie du milieu ?

Parlons, en effet, de cette « légitimité » à produire un cabaret drag qui n’en est pas vraiment un, avec des drags qui sont en vérité des actrices interprétant ce rôle. Là se pose une question, pouvons-nous traiter et s’approprier d’un sujet quand on ne fait pas réellement partie d’un milieu ? Bien évidemment, les avis divergent sur la question.

Au niveau du jeu d’acteur, Manon explique : 

« Personnellement, je ne me considère pas comme un Drag King dans la vie, mais je suis très à l’aise dans ce milieu, car mon personnage me permet aussi d’entrevoir leur vie, leurs difficultés et leurs moments de sublime. C’est un milieu très « friendly » et très esthétique, ces gens-là sont très proches du spectacle, de la magie. Mais leur réalité est parfois difficile, iels se retrouvent confrontés à l’homophobie, à des violences, à de la transphobie, des moqueries.. Je pense que notre cabaret tranche beaucoup avec ce que l’on peut voir dans les salles de théâtre à Lyon. Ce spectacle a une véritable identité, c’est ce qui fait sa force aussi, je crois. »

Pour certains, c’est « un hommage aux copains qui traversent la ville en drag pour aller faire leur perf‘, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’un con viennent les emmerder. Ils sont courageux ces copains. Clin d’œil Furious Farfadet et les autres ! ». et pour cause, quand les drag Queen font partie du public de Back Queen, iels adorent que le milieu du drag soit représenté au théâtre.

Du côté de la mise en scène, Mathilde explique que la complexité se trouve dans « la direction d’acteur car il s’agit pour les comédiennes de balancer, d’une part, entre les codes de jeu des shows burlesque et du play back et d’autre part avec le concret du texte qui traite du métier de drag et de tout ce que cela implique. »

Le collectif des Indécis

Pour finir cette belle introduction, les comédiennes, la metteure-en-scène et le dramaturge de Back Queen font tous partie, de près ou de loin, du même collectif (et parmi eux l’un et l’une des fondateurs) : le collectif des Indécis créé en 2017 par des copains en sortie d’école. Chacun d’eux a intégré le collectif à différentes périodes et Camille l’a quitté pour évoluer de son côté à Paris. Le collectif produit et héberge de nombreuses créations assez différentes en plus de Back Queen. On a en tête les pièces comme Phasme, La Presqu’Odyssée, Soupirs d’une conne ordinaire, Lunes écrit pour un jeune public sur la migration, Kids un spectacle-documentaire sur la Bosnie et Quand viendra la Vague.

En espérant que vous en aurez appris davantage sur Back Queen et que cet article vous aura donné l’envie de suivre notre joyeuse troupe de près pour que lorsque les beaux jours reviendront pour le spectacle vivant, vous sauterez sur l’occasion d’assister à ce cabaret théâtre qui vous fera sourire jusqu’aux oreilles. En attendant, vous pouvez aller regarder la vidéo du Backstage qui vous fera rire en cette période de disette culturelle et vous permettra de patienter encore un peu !

Eva Duc, Rédactrice pour CCC Média

 

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