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🍀ARTI’STORY # 35 – Alain Garlan, le saltimbanque lyonnais 🍀

 

Alain Garlan, l’emblématique artiste lyonnais qui a, entre autres, officié au sein du collectif FRIGO. Prenons une pause enchantante au travers de cette conversation avec Alain, et retour sur sa passionnante carrière. Plus de quarante ans de service et Alain n’en a pas fini de nous surprendre. 

“ L’avenir sera radieux.”

Pas artiste, saltimbanque ! 

D’aucuns le qualifieraient d’artiste, mais Alain rectifie le tir dès la première question, préférant le terme de saltimbanque à celui d’artiste. Tout au long de sa carrière, il aime expérimenter l’art sous toutes ses formes, au sein d’un métier toujours aléatoire et indéfini. 

Le mot « artiste » présuppose une certaine attente de la part du public, c’est pourquoi Alain préfère ne pas l’utiliser et se définir comme saltimbanque, pour mieux se placer entre les “voyous et les alcooliques”. “Rester dans l’inattendu” comme maître mot, et le public sait à quoi s’en tenir. 

Alain commence son parcours de saltimbanque, donc, par le monde des marionnettes, se tourne ensuite vers celui du cinéma. Ayant grandi à Paris, il débute sa carrière d’acteur dans la capitale – un besoin de voyage l’appelle pourtant. Il préfère une vie de nomade un brin bohème à une vie de complaisance dans le milieu artistique parisien. Sillonnant la France et l’Europe, il a toujours su trouver un lieu où poser ses valises quelque temps et approfondir sa démarche créative. 

Electron libre, il a touché un peu à tout et travaillé un peu avec tout le monde. Un parcours qu’il qualifie somme toute de « normal » : il s’est constamment redécouvert, il s’est planté, il a réussi parfois, en a été content, pour décider une fois comblé de tout redémarrer et changer de route, inlassablement. 

Après tous ces vagabondages, tant géographiques que créatifs, la littérature est maintenant devenue son activité principale. Une activité qu’il apprécie tout particulièrement car elle lui permet de se lover dans un cocon intérieur et calme, tout en lui laissant la liberté de pouvoir continuer de voyager.  

Le collectif FRIGO

Le projet qui lui a tenu le plus à cœur, se confie-t-il, est un projet d’une dizaine d’années, effectué à Lyon, dans le quartier de la Guillotière. Il correspond à sa participation au collectif « FRIGO« , un collectif d’artistes vaste qui rassemblait, à son apogée, une centaine de personnes. C’étaient des artistes de toutes catégories, mais surtout des vidéastes, puisque le support vidéographique était central dans leur démarche artistique. 

Le collectif fonctionnait selon un principe de financement indépendant : les participants répondaient aux commandes extérieures de métrages, et utilisaient l’argent récolté pour financer leurs projets personnels. Il s’agissait donc pour eux de financer leur activité artistique par une activité commerciale (ils étaient commandités pour des vidéos ou du graphisme par exemple), une manière à la fois terre-à-terre et libre d’entreprendre la vie d’artiste. 

Crédit Photo : Alain Garlan et FRIGO

 

La bouche tordue d’un sourire un brin nostalgique, Alain évoque cette mouvance post-punk, new-wave, à laquelle le collectif se rattachait. Leur refus à l’époque de faire de l’art une activité lucrative et égocentrique, préférant travailler en groupe que de s’élever seuls, signait une vision très radicale sur leur conception philosophique de l’art. Face à une époque d’exagération, d’égo, de narcissisme, enorgueillie de faux discours sur la réussite sociale, FRIGO tirait littéralement la sonnette d’alarme en organisant une radio rock pirate qui servait de plateforme pour quiconque voulait défendre une autre vision de la vie.

En rétrospect, Alain admet que leur travail pouvait rappeler celui de la Factory de Warhol, bien que les membres de FRIGO n’en avaient alors aucune conscience. 

En 2017, le Musée d’Art Contemporain offrait une rétrospective sur le collectif, une manière de rendre hommage à ces artistes qui ont donné forme à la vie artistique lyonnaise, mais aussi de créer un échange avec les nouvelles générations. Alain nous parle de l’idée de transmission, si importante pour les membres de FRIGO, et est fier que son travail d’avant puisse inspirer les artistes d’aujourd’hui. 

L’après FRIGO, un saltimbanque toujours réinventé 

“Le radicalisme artistique n’est pas nourrissant”, nous en convient Garlan. C’est pourquoi il a toujours tenu à avoir une activité alimentaire en plus de son travail de saltimbanque. Il a adoré la décennie passée au sein de FRIGO, mais son travail ne peut pas être seulement résumé à cette époque. 

Sa rencontre avec Silviu Purcarete a changé sa vie ayant longtemps collaboré avec lui, notamment durant la direction d’un centre d’arts dramatiques à Limoges. Il décrit son ami comme un artiste baroque qui l’a énormément inspiré dans ses propres représentations d’opéra et de pièces de théâtre à travers le monde. 

Garlan nous explique que sa démarche créative se fait toujours à l’instinct, au “feeling”. A l’époque de FRIGO, il était en pleine sortie d’une période historique où le communisme était encore fort : il a grandi en voyant ses illusions d’équité sociale broyées sous la découverte de la dure réalité des dictatures communistes à travers le monde. Mais cette désillusion a été créatrice car elle l’a forcé à se positionner différemment au sein de la société et dans l’art, en commençant par refuser la théorie et lui préférer la pratique effrénée. 

Crédit Photo : Alain Garlan et FRIGO

 

Plutôt que de théoriser, il a toujours pratiqué, dans une élan de “Just do It” qui pourrait plaire aux capitalistes les plus aguerris. Au sein de FRIGO, les idées venaient de tout le monde, et l’action se faisait en groupe également. Le mouvement, bien qu’aujourd’hui culte, était presque souterrain à son époque, non pas par envie de se distancer de la société, mais par refus de se loger dans la tour d’ivoire habituellement réservée aux artistes. Critiquer le monde de l’art est une base pour ne pas se faire accepter de celui-ci ; ceci explique l’isolement, à l’époque, du collectif. Mais critiquer le monde de l’art est aussi une base pour rentrer dans le culte : c’est le cas aujourd’hui, le collectif étant une figure emblématique de l’art lyonnais pour tout néophyte qui se respecte. 

Malgré une critique vive de la société, les thèmes abordés par Garlan sont pourtant toujours extraits du centre névralgique celle-ci : ils sont imprégnés de cultures populaires et folkloriques (les contes, les mythologies, les histoires communes aux civilisations, la musique, le design, le cinéma…). Tout ce qui cherche à faire se questionner les artistes par rapport à la société dont ils sont issus est une mine d’or d’inspiration pour lui.

Et maintenant, l’aventure continue !

De belles années sont derrière l’artiste, mais il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin ! Il reste tout à faire au niveau artistique sur Lyon, et Alain compte bien être initiateur de nombreux projets pour réunir les artistes de la ville. 

Sa perception de l’activité artistique a également évolué sur une création plus essentielle et personnelle, tout en restant dans le collectif. Il souhaite rester inscrit dans son siècle en utilisant le passé pour créer le futur. 

Les projets de Garlan restent dans cette lignée, et celle qui l’a toujours suivie au cours de sa vie : celle de rassembler les gens et entre autres, les artistes.

Toujours dans l’action, il a dans l’idée de créer une cité créative, un camp de base artistique pour l’association “COBLOD”, qui se situerait sur un espace appartenant à la SNCF encore tenu secret.

Il paraît important de rassembler les personnes de la filière artistique sous le thème de la culture urbaine dans la forme d’un village créatif où l’on peut retrouver des résidences d’artistes et des studios de travail. 

L’association est également candidate au site de l’ancien IKEA à St Priest. Il serait partagé avec le collectif FRIGO, la radio Bellevue, Mediatone, un collectif de food truck écolo et une recyclerie. Une vraie cité culturelle qui serait une première sur Lyon,  en tout cas, de cette ampleur.

Alain Garlan est toujours passionné d’écriture, initié par les traductions de Shakespeare qu’il réalisait plus jeune. Plusieurs de ses écrits sont parus sous forme de chroniques écrites pour l’exposition FRIGO, “Les rois de la forêt”, parus chez l’éditeur associatif Hippocampe. Un roman, d’abord resté personnel, est également paru aux mêmes éditions. L’artiste a comme projet d’écrire un livre sur le rock à Lyon et d’éditer un deuxième roman. 

Eva Duc et Noémie Keller, rédactrices pour CCC Média 

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