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Interview de Philippe Rahbé
Liban, les inégalités sociales se creusent après l’explosion…
Philippe Rahbé, acteur associatif en France et au Liban, était l’invité de CCC Média. Interrogé sur l’explosion au port de Beyrouth en août 2020, il estime qu’elles ont exacerbé les disparités sociales au Liban. L’importance de l’action des citoyens et des associations est capitale selon lui, encore plus depuis la catastrophe.
Le 4 août 2020, une explosion au port de Beyrouth, capitale du Liban, engendre la mort de 204 personnes, et plus de 6500 blessés. Philippe Rahbé, créateur de Too good to Waste et Disco Soup Lebanon, deux initiatives visant à aider les plus démunis, raconte comment il a vécu la catastrophe depuis Lyon. Dans le bus, il apprend la nouvelle de l’explosion :
« mon premier réflexe a été d’appeler mes parents, qui habitent au Liban, et mes proches.
Fort heureusement, ils n’ont subi que des dégâts matériels ».
La Banque mondiale estime que le coût des dégâts engendrés par l’explosion serait d’environ 4 milliards de dollars. Autre conséquence de la catastrophe, 300 000 domiciles ont été détruits ou endommagés, ainsi que des sites religieux, archéologiques, et autres monuments qui faisaient partie du patrimoine libanais.
Le Liban, entre pauvreté et richesse
Philippe Rahbé explique qu’il existe une vraie disparité sociale au Liban, de nombreux libanais vivent sous le seuil de pauvreté, et l’explosion du 4 août a empiré la situation.
« Dans certains villages, il y a des gens qui n’ont ni eau ni électricité, et il suffit de faire 30 minutes de route pour revenir sur Beyrouth et voir des quartiers pimpants ».
En 2019, des protestations éclatent au Liban, en réponse à l’échec du gouvernement à sortir de la crise économique. Les libanais manifestent dans les rues, contre des mesures d’austérité qu’ils estiment exagérées. Philippe Rahbé ajoute que, conséquence de cette crise, la valeur de la monnaie libanaise n’a cessé de baisser :
« 1500 livres libanaises équivalaient à 1 dollar en octobre 2019, aujourd’hui ce sont entre 8000 et 10 000 livres libanaises pour 1 dollar ».
Le système confessionnel libanais
Au Liban, le système est confessionnel. Autrement dit, le pouvoir est distribué aux communautés religieuses de manière équitable. Le gouvernement et ses institutions sont composés de toutes les communautés, proportionnellement au nombre d’habitants de chaque confession de la population libanaise. Au total, il y a 18 confessions religieuses différentes au Liban.
« L’idée était de partager le pouvoir entre ces diverses communautés religieuses. Comment ça fonctionne : dans toutes les administrations, vous avez une part égale de chrétiens, musulmans Chiites et Sunnites, et d’autres communautés religieuses ».
Philippe Rahbé conclut par l’importance des associations libanaises, et plus globalement des citoyens libanais. Il dénonce un état libanais :
« incompétent et corrompu, qui est un avis partagé par toutes les communautés religieuses. Ceux qui font le job aujourd’hui ce sont les citoyens et les associations. Ils comblent le déficit en termes de service publique, et ils aident les populations démunies ».
Interview réalisée par Thomas Chollet-Lunot
Image et montage : Thomas Chollet-Lunot, Salomé Grochowicki, Mathis Lunot
Nicolas Delattre, rédacteur pour CCC Média